Rêveries
"Parfois, on voit se poser sur ces petits perchoirs de fer blanc que sont les présentoirs de presse, un étrange oiseau noir-blanc-gris. La star, en couverture, y est nue, assise ou en mouvement ; pas d'agrafe et la taille d'une nappe. Il est dit Égoïste. Ce n'est pas une revue. Un promenoir plutôt, un lieu de retrouvailles, d'instants chics, un espace de souvenirs. L'album d'une famille qui ne se croise que rarement, de défilés en salons. Pas étonnant qu'on y tombe sur Bernard Frank dont les chroniques qu'il y a publiées font aujourd'hui la matière de ce volume, précédées de deux autres parues dans une revue météorite qui n'eût que deux numéros : Le Journal littéraire. Frank y parle de tout, donnant, avec son style indolent et coupant, l'impression d'écrire couché, croquant une pomme verte. Lire une chronique de Frank donne le sentiment de tomber sur un plomb de chasse en savourant une brioche. Fève de fer. Saveur et rosserie. Infatigable flemmard, Frank chronique son cœur (« cette pompe sans mordant », disait du sien Michaux), son passé amoureux, littéraire, ses amis. Il voit la vie en rosse, avec un nuage d'amertume et une grande rasade de saveur. Alors, rendez-vous au bar du Dilettante. Demandez un Frank. Cocktail maison."