Soupe à la tête de bouc
Souvenez-vous, Goat’s Head Soup, un antique vinyle des Stones avec emballage crowleyen peaufiné, un sabbat au point de croix renversée pour adolescent gothique, une relique de l’âge de velours noir et de cuir verni. Ces vieux cauchemars poisseux, ces cocktails au verre pilé, Milan Dargent les remet sur la platine, nous les réinjecte à la lueur sombre d’une free party où il tire par la main Kim la Danoise (des noises on lui en cherchera ; du bruit elle en trouvera), se confond en errances non-euclidiennes, entre concerts, conciliabules érohallucinogènes ou conclaves malins. Tout cela dans un Lyon qui a troqué le maroquin d’Édouard Herriot contre les bagues de l’abbé Boullan, la iiie République des bedaines contre les spasmes de Huysmans. Méfiez-vous de Lyon, c’est La Mecque des rêveurs marginaux. Le spectre de Brian Jones erre dans les traboules : la main de Crowley anime le Guignol d’une Croix-Rousse aux allures Altamont. Milan Dargent nous livre donc un exercice de suffocation (comme d’autres d’admiration), une petite dérade pour aujourd’hui où la stonemania sert de codex majeur, les concerts de vêpres noirs et les cours d’espace de rêverie pour lycéens en rupture de cursus. Un hymne aux vertiges, à lire sans respirer. Hue da !