Les Amants de Mata-Hari
Les livres d’Alexandre Vialatte, tels des bonbons anciens, se laissent lentement fondre au bas de la joue, ou s’entrouvrent, « buffet de grand-mère », avec une lenteur mystique, s’inventorient avec éblouissement. Les Amants de Mata Hari participe de ce petit culte intime. On y retrouve le jeu de pistes rituel : bric-à-brac magique où les objets (ici une photo chipée dans un grenier) servent de pierres blanches, figure de femme, vraie ou rêvée, qui organise autour d’elle tout un culte adolescent, sous-bois ou coin de rue, familles, parfums. L’icône se surnomme donc là Mata Hari, belle entrevue dans les ombres d’un château « Plante du Songe » loué le temps d’un été ; belle que l’on suit, scrute, piège à distance. Les galapiats à l’affût se nomment Balèze, Potter, Lévy-pantoufle. Le rêve culminera avec la vision de la jeune femme en nudité, toute dansante auprès d’un feu. Dissipée la brume tiède des vacances, crevée la bulle des rêveries d’enfants, on retrouvera bien plus tard la Mata Hari, fanée, fripée, flapie d’alcool.
Retournons donc au doux sépia des vieilles songeries, à l’intarissable limonaire des souvenirs, rien n’y meurt jamais. Vialatte ou l’argent de poche d’Orphée.