Vieilles peaux
En trois temps, deux nouvelles, Anna Rozen exécute une balzacienne physiologie de la « vieille peau ». Créature singulière que cette dernière qui n’a rien de la vieillarde vénérable et échappe à l’archétype de la femme mûre. Tanguante, ballottée entre elles deux, la « vieille peau » vit le passage de l’une à l’autre dans l’amertume inquiète et l’effroi paniqué, giflée par les miroirs, alourdie d’un vis-à-vis tout aussi terne et pareillement fripé. Elle n’est pas vieille mais se sent le devenir. Affaire de conscience plus que de rides, d’anxiété plus que d’artères. Vieilles peaux, celle de Cressida, star des lettres empêtrée dans la gestion de sa mémoire écrite et les bras plutôt ballants de ses secrétaires successifs. Puis celle de Marthe, la Marthe de Fernand, pour qui le temps s’égoutte et la vie s’arthrose. Peaux en plis tristes et piquées comme de vieux miroirs. En clôture à cette double déploration et lent naufrage, une pyrotechnique valse des consciences, où l’auteur, en digne Fregoli de la plume, joue de tous les personnages, peaux aussi vite quittées qu’endossées : à l’arrivée « il n’y a personne. Que vous, Et moi ». Anna Rozen.