Mon père était très beau
C’est une histoire de bicyclette rouge posée contre un mur, de père défunt, de famille soudée, d’enfant véloce et futé, c’est l’histoire de Nicola. Marié à Leonilde, Guerrino le père, dont la voix revient hanter le texte, ouvre le récit par sa mort, une mort que l’enfant reçoit comme un gros paquet dur à porter.
Devenu " le roi pauvre du quartier ", le sempiternel fils du mort doit subir la pesante bienveillance des voisins, endurer les coupes de cheveux aberrantes qu’il masque avec un bonnet Ferrari, recevoir en présent le saucisson d’âne du boucher Luciano, les sorbets à l’œil du glacier Bedont, d’autres encore.
Mais ce gavage affectif ne peut rien contre la… biligorgne. Tristesse douceâtre qui vient se lover dans le cœur de l’enfant quand il trie les photos de famille, celles surtout où il est avec son père : " Pourquoi les gens morts restaient-ils coincés dans les photos ? (...) Il fallait des ciseaux pour découper les gens morts des photos. " Pour y échapper, il y a, certes, les boucles blondes d’Andrea, la poussière soulevée par les trains, des envies de trompettes débouchées, mais il y a avant tout le rêve d’une vie balle au pied, d’un destin platinique qu’émaillent plaies et bosses.
Mais le ballon rentrera au garage, les rêves à l’étui et l’enfant Nicola deviendra calmement ce que fut son père : matelassier, fabricant de ces matelas sur lesquels meurent les pères et dorment les enfants. C’est une histoire de Fiat 127, de fugue en train, de blessure en cours de match, c’est l’histoire de Nicola et de ses souvenirs du temps où " son père était très beau ".