Les hommes forts
Se détachant soudainement du peloton dense et opaque des méconnus littéraires, voici que Georges Magnane, roulant sous les couleurs de l’équipe Dilettante, amorce une belle échappée. Sera-t-il l’homme fort de cette étape ? On redécouvre là Les Hommes forts (Gallimard, 1942). Sans sucer la roue d’un pétainisme alors en cours, Magnane y réalise, à Marseille, Limoges ou Paris, au stade, sur un tapis de lutte ou l’aviron en main, une approche fervente et empathique de l’acte sportif : vertige de la mécanique corporelle, émulations athlétiques et goût du podium, ivresse de la victoire et dynamique du groupe. Mais ce qui fait la force romanesque de ces « hommes forts », c’est qu’ils ne le sont qu’apparemment. Organisé autour des figures tragiques de Quercy, le modèle insurpassable, et de Tania, la muse pathétique, le roman de Magnane fait du sport l’élan émergé de drames intérieurs qui finissent toujours par craqueler le masque du héros : « Tranquille, éternel et constant comme une allégorie, le masque affirmait : “Je suis Force Virile, Courage et Endurance.” Et il fallait se contenter de cette affirmation. Car si l’on cherchait au-delà, le doute s’éveillait... »