Petits plats de résistance
Tout tient au ventre, chez l’homme, chacun le sait. Dis-moi ce que tu mitonnes je te dirai ce que tu mijotes, confie-moi ce que tu goûtes, je te dirai quoi tu guignes. C’est forte de pareilles maximes que Pascale Pujol nous convie à la dégustation de ses Petits plats de résistance, un premier roman à la carte en forme de comédie urbaine tressautante, de pochade érotique et de sociodrame papillaire où chaque chapitre est mis sous l’invocation d’un plat ou d’une denrée.
Soit, en entrée, Sandrine Cordier, une Pôle-employée tant futée et ambitieuse qu’allante et dodue, nantie d’un Guillaume de mari dont le grand oeuvre est une arnaque aux kiosques de presse et deux enfants, une fillette surdouée du net et un ado mode et sous-tendu ; soit, en plat principal, le groupe Lacarrière résumé au patriarche patron de presse libéral, Marcel, à son rejeton, un baise dru jet-setteur et plutôt nigaud, et à son porte-flingue, Bricard is the name, finaud et haut en magouilles. Épice l’ensemble et agrémente l’assiette toute une garniture aux petits oignons : une internationale de cordons-bleus sans trop de papiers, Ferreira le voyeur, Benoliel l’agent immobilier, une flottille de drôlesses cascadantes et minaudantes et de ploucs grandioses dont, trônant parmi quelques mannequins d’un soir, l’opulente et vorace Annabelle Villemin-Dubreuil (ex Lamoul Véronique), ancienne de Langues O’ passée à la carte du tendre et au courrier du coeur. Tels sont les ingrédients de base de cette goûteuse potée romanesque où l’on savourera selon les bonheurs de la pêche : des secrets familiaux, une géographie poétique de la Goutte d’Or, un tribunal de commerce mué en ring de catch, une crépitante méditation sur la tectonique des classes et le choc des cultures et surtout, surtout, où l’auteur affirme un goût certain pour une vision papillaire des mots et gustative de la littérature. À table !