Elle apostrophe
Editeur : Aléas
"J'ai vu le monde dans un baiser". Chaque mot nous est familier. Mais la phrase est unique. Jamais lue. Ni Entendue. Révélation. Comme ce parcours désespéré d'une jeune fille heureuse que vous allez revivre, minute par minute, au plus profond de son être. Du vôtre. Car vous ne pouvez pas ne l'avoir pas vécu, fût-ce dans un rêve, une autre vie, une soif d'idéal. Mais attention : lecture risquée. Risque de prendre conscience d'avoir tenu le rôle de "l'autre". Et vous aurez du mal à vous le pardonner. C'est que Bérangère Peuvrel nous apostrophe, nous les femmes et nous les hommes. Pour nos lâchetés, nos faux semblants. Violemment. Surtout par ses silences. Par sa force à tout reconstruire chaque fois que tout s'écroule, à repartir quand tout s'arrête, à respirer quand elle étouffe. Au point que vous aurez envie de la sauver, de lui donner tort quand elle a raison, de la saisir par les épaules et de lui dire : stop ! Essayez toujours... Premier roman ? Admettons. Mais alors uniquement parce qu'il nous fait espérer que d'autres suivront. Du même style pénétrant, rigoureux, précis jusqu'à la minutie, et pourtant si impressionniste, suggestif, cinématographique. Ici, pas de "c'est vrai que...", pas de "clairement", nul "incontournable" ; pas de rapport "à" l'autre qui ""fait sens" ou "pose problème". Alors que tout est vrai, clair et s'impose. Nul tic verbal né du discours mièvre et lénifiant des années quatre-vingt dix qui continue de grignoter le français comme les termites une poutraison. Poutraison de chêne sous la plume de Bérangère qui sait puiser sa force dans sa fragilité, son bonheur dans son désespoir. Craquer, parfois. Rompre jamais.