La médicalisation de l'échec scolaire
On assiste depuis une vingtaine d'années à un renouveau des interprétations de l'échec scolaire en termes de difficultés psychologiques (phobie scolaire, estime de soi en berne) et de troubles des apprentissages d'origine neurobiologique ou génétique (dyslexie, hyperactivité, précocité intellectuelle, etc.).
Certains médecins soutiennent désormais que la plupart des élèves en grande difficulté scolaire seraient atteints par un « trouble » d'origine médico-psychologique et leurs propos sont abondamment repris par les médias. Ces manières d'appréhender l'échec scolaire se sont largement diffusées dans les milieux pédagogiques où, ayant acquis la force des évidences, elles ne sont plus véritablement interrogées.
Le recours aux professionnels du soin a explosé et semble se banaliser puisqu'un tiers des élèves sont aujourd'hui suivis par un orthophoniste ou un psychologue. En France, les chercheurs en sciences sociales qui ont ces dernières années pris pour objet ce renouveau des interprétations médico-psychologiques de l'échec scolaire se sont principalement focalisés sur des troubles particuliers : la précocité intellectuelle ou la dyslexie.
À ce jour, il n'existe pas de synthèse permettant d'expliquer sociologiquement le phénomène dans son ensemble. C'est ce manque que ce livre entend combler.
L'auteur ne propose pas tant de réduire la médicalisation aux effets de l'impérialisme médical que de comprendre sa construction au carrefour d'univers sociaux très différents : hauts fonctionnaires et experts chargés de définir les politiques de lutte contre l'échec scolaire, chercheurs, professionnels du soin, enseignants, parents d'élèves, etc.
Attentif à la spécificité du processus de médicalisation dans chacun de ces univers, l'ouvrage montre néanmoins que ce phénomène est l'expression plus générale de profondes transformations tant des manières de penser les inégalités scolaires, que des objectifs assignés à la démocratisation de l'école