Les doigts coupés
La parution de ce recueil de textes de Paola Tabet, l'une des théoriciennes féministes les plus novatrices des dernières décennies, constitue un événement éditorial important dans le champ des études anthropologiques et féministes. Dans ces textes inédits en français, l'anthropologue italienne présente son analyse matérialiste des rapports sociaux de sexe, poursuit sa critique de la naturalisation de la division sexuelle du travail et de la reproduction, et précise son concept « d'échange économico-sexuel », qui est devenu un concept nodal dans le champ des études féministes et queer. Ce travail offre aux lecteurs un ensemble d'outils théoriques et politiques originaux dont l'objectif est de comprendre et de déconstruire les rapports sociaux de sexe et les fondements de la domination masculine.
L'ouvrage se compose de trois parties principales et d'un entretien. Dans le premier chapitre, l'auteure montre que dans la majorité des sociétés connues, la sexualité apparait comme un échange asymétrique entre hommes et femmes, non un échange de la sexualité contre de la sexualité, mais comme une compensation masculine pour une prestation féminine, un paiement qui peut prendre les formes plus variées (prestige, statut social, argent, don) en échange d'une sexualité transformée en service. Le deuxième chapitre interroge la naturalité de la sexualité : comment passe-t-on d'une potentialité biologique à une reproduction imposée ? L'auteure examine l'action des agents qui interviennent aux différents moments du processus reproductif : depuis l'organisation sociale du coït, de la grossesse, etc., jusqu'au sevrage de l'enfant. Dans le troisième chapitre, Paola Tabet analyse un aspect de la division sexuelle du travail trop rarement étudié convenablement dans les travaux d'anthropologie et de sociologie : celui des outils dont se servent hommes et femmes. Le quatrième chapitre présente de manière synthétique les thèses principales de l'auteure dans l'ensemble de son travail. Pour terminer, dans l'entretien avec le sociologue Mathieu Trachman, l'auteure revient sur son parcours théorique et personnel dans le champ du féminisme matérialiste.