Argent brûlé
Un soir de mars ou d'avril 1966, dans un train qui allait vers la Bolivie, je fis la connaissance de Blanca Galeano que les journaux appelaient "la concubine" du voyou nommé Mereles. Elle avait seize ans mais avait l'air d'une femme de trente ans et elle fuyait. Elle me raconta une histoire très étrange (...) Moi je l'écoutai comme si je m'étais trouvé en présence de la version argentine d'une tragédie grecque. " C'est ainsi que Ricardo Piglia s'empare du braquage qui a défrayé la chronique entre septembre et novembre 1965 à Buenos Aires. Il décide d'en faire un roman tant la violence des faits, la puissance des sentiments et la brutalité de la police dépassent de loin la fiction. Bébé Brignone et le Gaucho Dorda, Bazân le Bancal, Malito ou Mereles le Corbeau prennent vie sous sa plume avec un réalisme et une vigueur extraordinaires, sur fond d'agitation péronigte et de magouilles politiques. A la manière d'un Truman Capote ou d'un William Faulkner, Piglia réinvente de manière magistrale le roman noir argentin.
Quatrième de couverture
"Mon premier lien avec l'histoire que ce livre raconte (comme c'est le cas chaque fois que les événements ne sont pas de la fiction) est le fruit du hasard. Un soir de mars ou d'avril 1966, dans un train qui allait vers la Bolivie, je fis la connaissance de Blanca Galeano que les journaux appelaient "la concubine" du voyou nommé Mereles. Elle avait seize ans mais avait l'air d'une femme de trente ans et elle fuyait. Elle me raconta une histoire très étrange que je crus à moitié. (...) Durant les longues heures de ce voyage qui dura deux jours, elle me raconta qu'elle venait de sortir de prison, qu'elle avait fait six mois pour association de malfaiteurs avec les voleurs de la banque de San Fernando et qu'elle s'exilait à La Paz. (...) Et moi je l'écoutai comme si je m'étais trouvé en présence de la version argentine d'une tragédie grecque. (...)
Deux villes (Buenos Aires et Montevideo) furent le théâtre de ces faits, entre le 27 septembre et le 6 novembre 1965. J'ai respecté la continuité de l'action et (dans la mesure du possible) le langage de ses protagonistes et des témoins de l'histoire. Les dialogues et les opinions ne correspondent pas toujours au lieu où ils furent énoncés mais j'ai systématiquement reconstitué avec des matériaux authentiques les dires et les actions des personnages. J'ai tenté de respecter, tout au long du livre, le registre stylistique et le "geste métaphorique" (comme l'appelait Brecht) des récits sociaux qui traitent de la violence illégale." Ricardo Piglia