Exercices de deuil
Deux villes hantées, deux récits siamois.
D’abord Berlin. Potsdamer Platz. Aujourd’hui. Kaspar est comédien. Il s’adresse à Roman, son meilleur ami, qui a quitté Berlin après un violent conflit avec son père, lequel désapprouvait les choix artistiques de son fils.
Portrait d’un Berlin déserté, un Berlin qui a mué, où Kaspar se sent étranger lui aussi, avec pour seule présence ce fantôme dont il voudrait se libérer…
Et puis… Philadelphie. L’Âge de raison. De nos jours. Andrew est un jeune garçon en rupture avec son environnement, du système universitaire jusqu’aux valeurs américaines incarnées par ses parents, ses frères, ce bonheur obligatoire qui doit en passer par la réussite sociale. Il quitte Kathryn avec qui il habitait et se réfugie chez Devin et Graham.
Que faire quand on n’est plus que de la colère, arme blanche et impuissante. Que faire, surtout, quand on n’a que la liberté de devenir soi-même mais que l’on se sent étranger chez soi.
Deux récits en miroir pour cet Exercice de deuil au pluriel. Un miroir déformant où se mirent l’étrangeté à soi-même, l’isolement dans la ville – son indifférence –, les abris que l’on perd, ceux que l’on réinvente en attendant de savoir quoi faire de soi et quel chemin sera le nôtre. Deux récits qui s’exercent à l’idée du deuil, du départ, de la fuite, de l’abandon avec cette idée chère à L.F. Céline qui affirmait que vivre seul, c’est s’entraîner à la mort.
L’âge de raison n’existe pas. Tout au plus ressemble-t-il à une ligne d’horizon que l’on s’invente en l’absence de guide. On s’efforce de suivre cet improbable territoire qu’une main sévère tient à distance de nous. On avance à l’aveugle, tantôt confiant, tantôt découragé de constater que le voyage d’éternise. Ce faisant, on se côtoie, on apprend à s’apprivoiser, à se connaître un peu plus… Jusqu’au jour où l’on tombe sur soi-même.
L’âge de raison n’existe pas. Tout au plus peut-on espérer être un jour moins étranger à ce monde.