Les Sept voies de la désobéissance
Les sept voies de la désobéissance débute comme un conte ancien ou une légende zen.
Il met en scène un viaux sage, Maître Wong et ses trois disciples, Tchidan, Nidan et Sandan. Un timide maladif, un impulsif obstiné, et le dernier, une perfection de tranquillité d’esprit et de bonté d’âme.
Chacun y joue son rôle. Le maître enseigne, les disciples apprennent.
Tout pourrait donc se passer pour le mieux, mais il n’y aurait alors ni conte, ni récit.
Tout ne se passe donc pas pour le mieux. Parce que, dans tout apprentissage, il y a une part d’imprévu que nul, même le maître le plus aguerri, ne peut contrôler. Parce que dans tout enseignement, il y a une part de folie que nul, même le disciple le plus souple, ne peut accepter. Dès lors, tous, disciples et maître, s’exposent à de grands dangers.
Les personnages de ce récit mettront sept jours pour se rendre à cette évidence – le péril d’être soit disciple soit maître –, sept jours durant lesquels ils prononceront, commenteront, interprèteront et oublieront les sept aphorismes suivants :
1. Parle afin que je te voie
2. Qui voit le ciel dans l’eau voit des poissons dans les arbres
3. Ne demande pas ton chemin, tu risquerais de ne pas te perdre
4. Aime ta douleur comme on aime une femme
5. Le soleil ni la mort ne se peuvent regarder fixement
6. La poule du voisin est toujours une oie
7. Lorsque le bûcheron pénétra dans la forêt avec sa hache, les arbres se dirent : ne nous inquiétons pas, le manche est des nôtres.
Sept jours durant Wong va les inciter à repenser leurs actions à partir d’une maxime chaque fois différente. Sept journées où il va tenter de les faire obéir à ses préceptes, de les soumettre à des épreuves allégoriques, de tester leur capacité de résistance.
Est-il parvenu à ses fins ? Sa dernière leçon, il la tiendra seul, sans plus aucun disciple autour de lui : Tchidan, le timide a été facile à tromper ; Nidan, l’entêté a échoué malgré ses tentatives de mettre en péril la rhétorique du maître ; quant à Sandan, le parfait, il a troqué son humeur égale contre une cruauté illimitée.
Mais alors qui va succéder vraiment au maître, après maître Wong ?
Ce conte cruel – avec son injonction paradoxale et suicidaire – peut se lire aussi comme la relation d’un voyage opiacé au cours duquel la chronologie et la notion même de durée sont bouleversées ; futur, passé, présent s’y chevauchent mais Maître Wong lui même est peut-être un rêve. Le rêve de maître Wong.