Trapéziste
Dans la vie, Flore fait du trapèze entre elle et son image. On la veut glamour et légère, elle s’exécute et boit les coupes de champagne qu’on lui offre au Lutétia, en taisant le chauffage qui ne marche plus chez elle depuis des mois. Tout en rêvant au Prince charmant, elle a pris l’habitude de consommer les hommes comme des canettes de Coca. Mais jusqu’où pourra-t-elle pousser le jeu sans se détruire ?
Dans la tête de Flore, il y a des nœuds et des incohérences, une image qu’elle donne et une vie qui n’a rien à voir, des rêves qu’elle caresse et une réalité qui la rattrape. Dans le monde qui l’entoure aussi, Flore voit plein d’incohérences. Mais peut-on se forger de vrais repères quand on n’a pas eu d’enfance ? Comment se construire face aux hommes quand, enfant, on a eu autant de pères que de jours dans l’année ?
« Qu’on me laisse l’illusion que cette vie est ma très grande richesse. Je suis libre, c’est mon bien le plus cher. Je ne suis pas vraiment fière de ça, je l’ai hérité de ce qu’on a ravagé dans ma tête quand j’étais gamine. Elle ne peut plus me plaire, la vie balisée. Je garde mes petits boulots qui font manger, parfois. Et si je ne peux plus manger, je sortirai et je boirai. L’alcool est souvent gratuit quand on connaît du monde. Quand je n’en pourrai plus de boire, je poserai pour quelques photos de mode qui illustreront des catalogues de vêtements pas toujours jolis, et je remercierai ma tendre mère de m’avoir fait un visage qui “prend la lumière” et une confection 34.
Je garde ma vie hors norme et sans contrainte. Je garde mon incertitude du lendemain et mes coups de cafard. Je garde tout, puisque, de toute façon, vous ne voulez pas de moi dans vos boutiques. »