Bernard, François, Paul et les autres...
En 1985, Bernard Hinault remporte son cinquième et dernier Tour de France. Trente ans plus tard, aucun Français n'a réussi à regagner l'épreuve mythique de juillet. Comment prévoir une telle déveine dans le pays qui inventa la course la plus importante de toute l'histoire, celle qui façonna la légende des « Forçats de la route » ? Il y a trente ans, Jean-Emmanuel Ducoin, qui n'est pas encore journaliste, suit la Grande Boucle en touriste, avec son grand-père, Paul, dans une Simca 1000. Durant trois semaines, le vieil homme et son petit-fils, mus l'un et l'autre par la passion pour leur idole Bernard Hinault, traversent la France de part en part et assistent, au gré de leurs rencontres, mais sans en prendre pleinement conscience, au basculement d'un monde. Au milieu des années quatre-vingt, c'est la France de la gauche au pouvoir, celle de Mitterrand. Mais c'est aussi la fin des promesses de mai 1981, oubliées sur l'autel du réalisme économique. C'est la casse de la sidérurgie, la fermeture de Manufrance, le temps de la rigueur. C'est la fin des illusions. Les ouvriers se sentent trahis, tandis qu'avec l'arrivée de Bernard Tapie dans le cyclisme, les meilleurs coureurs deviennent des millionnaires. L'année 1985 scelle la disparition d'un âge d'or. Celui du cyclisme. Celui d'une certaine idée de la France.