Pirate N°7
En 2011, Fahran participe à une opération de piraterie au cours de laquelle un navigateur français est tué et sa femme prise en otage. Miséreux parmi les miséreux, âgé de 16 ans, le Somalien était censé gagner cent euros dans l'affaire ou courir un risque mortel s'il refusait d'y participer. Capturé avec ses complices, il est arraché à sa terre natale pour être jugé en France, contre toute logique judiciaire. Il est incapable de prouver son âge ni son identité. Il ne comprend pas un mot de français et pas grand-chose aux faits qui lui sont reprochés. Il encourt vingt ans de réclusion criminelle. Durant quatre ans, de cellule en hôpital psychiatrique, Fahran vit un enfer. Au déracinement culturel, affectif, à la barrière de la langue qui l'isole, à l'absence totale de ressources pour cantiner s'ajoutent des maltraitances. Comble de cruauté, on lui enlève un poumon sans le prévenir. Fahran sombre dans la démence. Il commet plusieurs tentatives de suicide.
Durant quatre ans, son avocate, commise d'office, s'efforce de garder Fahran en vie. Cet objectif tourne à l'obsession. Provoquant chez elle découragement, culpabilité et envie d'en découdre, ce dossier au long cours la renforce et l'affaiblit tour à tour. Le sort pathétique de Fahran l'oblige à affronter rudement les autorités en charge du dossier : magistrats, administration pénitentiaire, médecins. À ouvrir les yeux sur un système coercitif qui fabrique des fous. À interroger sa vocation. Pirate n° 7 n'est pas l'histoire d'un crime horrifiant, ni un discours militant sur la machine judiciaire, c'est le huis-clos éprouvant, révoltant, parfois drôle, entre une avocate et son client. À l'instar des jurés lors du procès, le lecteur se laisse bientôt surprendre par la compassion. À mille lieues de son quotidien et de sa confiance dans la justice, il découvre, grâce au grand talent d'Elise Arfi, une fraternité possible avec un jeune prisonnier somalien.