Par effraction
En chinant aux Puces de Clignancourt, le narrateur ou la narratrice, on ne sait pas au juste, acquiert une caisse de films de famille datant des années 50. Il y découvre alors Aurore, une jeune fille issue d’une famille bourgeoise, filmée par son père puis par son fiancé jusqu’à ses trente ans. L’étonnement survient quand, aux images de la jeune fille se superposent les rêveries et l’histoire d’A., jeune télépathe. Le mystère s’avère d’autant plus troublant que le doute grandit quant à l’assimilation de l’identité des deux personnages : A. et Aurore.
Sous des dehors séduisants, dans l’atmosphère classique et surannée d’une famille de la bourgeoisie provinciale de type chabrolien, Par effraction parvient à entraîner le lecteur au cœur même des problématiques du monde contemporain. L’auteur ne cesse de mettre à mal la frontière fragile qui sépare la sphère publique de la sphère privée, invitant ainsi le lecteur à poser un regard réflexif sur la réalité, toute relative, du monde dans lequel il évolue. Les “cambriolages intimes” et fictionnels du récit font écho au voyeurisme ambiant de la télévision et des blogs, à l’ère du numérique. Le voyeur s’immisce partout et se révèle dans l’œil de chacun. Il naît dans le regard de Sabrina, jeune amie de A., qui s’introduit dans la demeure des parents de Claire, une camarade de classe. On le retrouve également dans l’oeil du narrateur qui visionne ces quelques instants filmés. Mais il imprègne surtout, de manière insidieuse, celui de tout lecteur qui entre par effraction dans la vie des personnages. Ce soir, le seul spectateur, c’est vous.