Questions
Que devient le texte de Roland Barthes, l'ensemble des écrits que l'on nomme Barthes, quand on le réduit à ses 1920 questions ? Que devient le texte de Roland Barthes, l'ensemble des écrits que l'on nomme Barthes, quand on le réduit à ses 1920 questions ? Quand on aligne les 1920 questions qui le traversent en près de quarante ans d'exercice, du premier article (1942) à la fin (1980) ? Exemple : « Qu'est-ce que les choses signifient, qu'est-ce que le monde signifie ? Ce qu'il a eu de révolutionnaire dans Brecht, était-ce vraiment le marxisme ? Comment un objet peut-il avoir une histoire ? Quoi de plus « sec » que le soleil ? Et pourtant, qu'est-ce que la littérature ? Pourquoi écrit-on ? Racine écrivait-il pour les mêmes raisons que Proust ? Comment les hommes fabriquent-ils du sens ? Comment le sens vient-il aux hommes ? Quel sont les rapports vécus entre le journal et l'âge ? La solitude ? Le bonheur ? Le corps ? La mémoire ? Le sentiment de culpabilité ? La folie ? Y a-t-il finalement un « secret » de l'individu ? Quel textes accepterais-je d'écrire (de re-écrire), de désirer, d'avancer comme une force dans ce monde qui est le mien ? Quelle est la somme du texte ? Combien de lectures ? », etc. Cet alignement des 1920 questions de Barthes, constitue le recueil le plus sidérant, le plus gai, le plus inquiétant, le plus exact et le plus théâtral où Barthes se retrouve entièrement1. Strates par strates, pas à pas. On entend la voix. On entend sa voix. On entend des voix. Persida Asllani, jeune chercheuse, est albanaise et exerce dans son pays les fonctions de maître de conférences en littérature. Elle a soutenu une thèse sur L'Écriture de la théorie, sous la direction de Francis Marmande et ses « Questions » de Barthes en constituent l'une de ses annexes. Sa thèse renverse le cours convenu de la réflexion. Au lieu de s'interroger sur « la théorie de l'écriture chez Roland Barthes », ainsi qu'on le fait souvent, elle traite de « l'écriture de la théorie ». Chemin faisant, elle met en évidence le questionnement, l'abondance des questions rhétoriques ou pas, sans réponse ou sous forme de relance, dans toute son oeuvre. Comme si elle était portée par cette remarque de Barthes en 1962 : « L'Histoire de la littérature ne sera plus l'histoire des réponses contradictoires apportées par les écrivains à la question du sens, mais bien au contraire l'histoire de la question elle-même. » Au final, cela donne un objet littéraire non identifié, une succession de questions dévoilées chronologiquement et qui produisent sur le lecteur une sorte d'effet hypnotique, une immersion dans l'oeuvre de Barthes qui surprend et bien entendu, questionne...