La société de déception
Nous sommes entrés dans la société de déception. Notre monde d'hédonisme et de consumérisme délirant coûte fort cher. Aux dégâts écologiques et sociaux, elle ajoute une tendance à la dépression. Dépression psychologique liée au stress, à l'amour imparfait, au sexe malaisé mais aussi déception démocratique. À l'ère du triomphe de la démocratie, nous la considérons comme indispensable, mais nous la chérissons de moins en moins. Plus que jamais elle est « le pire des régimes, à l'exception de tous les autres ».
Notre époque est en effet celle qui a conjugué le matérialisme le plus cynique avec le sentimentalisme le plus fleur bleue : de ce mélange étrange est fait notre malheur.
Car si l'hyperconsommation prend en charge notre bonheur matériel, elle échoue à accomplir notre épanouissement psychique. La démocratie, parce qu'elle est libérale, philosophiquement et économiquement, fait les frais de cette ambition déplacée. Elle a tendance à devenir un bien comme les autres.Gilles Lipovetsky, en interprète ultra lucide de notre temps, nous montre ici comment la modernité comporte deux faces, déceptive et ludique, désespérante et légère et que dans ce paradoxe la démocratie ahane et devient « molle ». Nous ne pourrons nous sortir de cette lassitude qu'en inventant de nouveaux moyens pour la démocratie d'échapper à l'obsession du bonheur qui tue le désir que l'on a pour elle.