Le Bleu du sucre
Editeur : L'Esprit des Péninsules
En butte à de graves troubles provoqués par la dépendance au sucre, ce poison blanc "qu'on ne saurait comparer qu'à des substances comme l'opium, la morphine et surtout l'héroïne", Feri, un rescapé d'hôpital psychiatrique de retour à Budapest (sa ville natale), se livre à une enquête dont l'objet ne lui apparaît que peu à peu : la recherche de son identité perdue. L'investigation a moins pour théâtre les rues de la capitale hongroise que le psychisme détraqué de Feri, dont le principal adversaire n'est autre que son propre cerveau, "cet ennemi juré que j'avais passé le plus clair de ma vie à combattre". Ainsi, rêves et hallucinations ne présentent pas un caractère plus délirant que les phases d'éveil ou la galerie des personnages rencontrés en chemin, tous frappants, voire frappés. De cette réalité flottante découle un sentiment croissant d'inquiétante étrangeté, qu'accentue encore l'écriture - du plus pour style brut de décoffrage. Jusqu'au happy end - à peine troublé par l'irruption d'un singe en rut - trop beau pour être vrai, Feri alias Attila Hazai (dont la manière n'est pas sans rappeler Bret Easton Ellis) nous plonge sans ménagement dans un récit obsessionnel aux allures policières, un univers glauque où l'humour se teinte de bleu et de noir : âmes sensibles s'abstenir.