Darwin n'est pas celui qu'on croit
Rendre à Darwin ce qui lui appartient, en même temps que lui retirer ce qu'on lui attribue à tort, constitue aujourd'hui un devoir proportionné aux enjeux d'une lecture cruciale qui est encore loin d'être acquise : celle de son oeuvre.
Simplifications inexactes ( « l'Homme descend du Singe » ), accusations polémiques (« le darwinisme est immoral »), réécritures opportunistes (« Darwin glorifie la loi du plus fort »), dénis de scientificité (« la théorie de la sélection naturelle ne repose sur aucune preuve »), arguties créationnistes (« l'oeil est un miracle de la Création »), récupérations religieuses sous couvert d'agnosticisme (« il n'y a pas de contradiction entre la foi et Darwin »), jugement trop hâtif de Marx (« Darwin projette le capitalisme sur la nature »), griefs de racisme, d'esclavagisme, d'eugénisme, de sexisme, voire de pré-nazisme : autant de biais aux implications dramatiques qui ont fini parfois par s'imposer.
La clé de la plupart de ces « incompréhensions » est le contournement (innocent ou tactique) d'une logique impérative, liée chez Darwin à la sélection de l'instinct social : celle de la destitution tendancielle de la sélection naturelle éliminatoire au cours de l'émergence (pourtant sélectionnée) de la civilisation et de la morale.