Mariée au KGB
L’histoire de Renata pourrait être celle d’un mauvais polar. D’un roman d’espionnage.
Mais Renata n’est pas une héroïne de série noire. Pas plus que sa vie n’est une fiction. Résumer ses années d’existence ? Difficile tant elles sont riches de courage et de douleur. Le courage de refuser de subir aveuglément un système totalitaire dont on ne compte plus les victimes, de dire ce que Moscou voudrait que nul n’entende. De s’être opposée au KGB. De dénoncer aujourd’hui le comportement du FSB, son digne héritier, dirigé habilement par Poutine et les siens. Sa douleur ? D’en avoir payé le prix fort. D’avoir vécu le viol, la torture, l’internement psychiatrique, la mort clinique, la perte de ses proches. Celle d’une mère, plusieurs fois arrêtée par le KGB. D’un père, officiellement décédé d’une crise cardiaque. D’un frère, emprisonné sans motif ni procès.
Dans ce livre, Renata ne dit mot de ces derniers épisodes familiaux. Son histoire s’arrête au 9 mars 1981, lorsqu’elle réussit à fuir l’Union soviétique, son ex-mari guébiste et tout un système qu’elle n’a eu de cesse de dénoncer de l’intérieur. Lorsqu’elle parvint à se jouer des autorités soviétiques et à rejoindre la France le 20 avril de cette même année, via un court séjour au Brésil. Lorsque détentrice d’un statut de réfugiée politique elle bénéficia, dès le 13 mai, de la protection de la DST. Ce que ne dit pas son livre - teinté d’une remarquable ironie malgré les épreuves qu’il décrit - est qu’après toutes ces années, l’ex-KGB a la rancune tenace et une vision très personnelle de la souveraineté territoriale. Condamnée à mort en septembre 1983 par Andropov pour « haute trahison d’Etat » (lors d’un « procès » où les services guébistes étaient partie civile.), en raison de son passage à l’ouest mais également suite à la publication de son premier ouvrage français « Ici Moscou » et à sa participation à la création, depuis Paris, d’un comité de soutien au journaliste russe de Radio Moscou Internationale, Vladmir Dantchev Avec « Mariée au KGB », Renata Lesnik ne signe plus un document politique mais une authentique autobiographie picaresque... à la russe, car sa vie à l’intérieur du ghetto communiste, dans une société ubuesque, n’a rien d’un long fleuve tranquille. De sa naissance à son départ d’Union soviétique, l’auteur confie avec un mélange de pudeur et de verve ses interrogations et sa révolte permanente contre le mensonge, l’absence de liberté et le cynisme.
Au-delà de son itinéraire personnel, mouvementé, ponctué par des évènements qui appartiennent déjà à l’histoire soviétique (la guerre d’Afghanistan, la Pologne, la Tchécoslovaquie), toujours sur le fil du rasoir, elle reconstitue la société soviétique des années 1950 à 1980. Une période à la fois proche et lointaine, qui donne à son récit valeur de témoignage pour l’Histoire. ... encore menacée aujourd’hui, à Paris.