Mes prisons en Lituanie
« Destin, vous avez dit destin ? Soit un jeune homme fraîchement diplômé d'arabe qui croit obtenir un poste à Bagdad.
Annulation... Une démission subite à Klaipeda en Lituanie précipite son choix. Adieu Mille et une nuits, place au froid et à la brume baltique et l'apprentissage d'une langue ...rare, le lituanien. Premier contretemps, le 21 mars 1939, la ville est rattaché au Reich. Quelques heures pour plier bagages. Repli sur Siaulai et Kaunas. Juin 40, la roue de l'histoire tourne, la Lituanie n'existe plus, elle devient partie intégrante de l'Union soviétique. Arrestation le 20 octobre 1940, la « taule » sauce NKVD.
Fin juin 1941, on les avait oublié, les Allemands sont de retour avec une petite invit' à la Gestapo en mai 42 »...
Mes prisons en Lituanie est un témoignage rare sur la Lituanie prise en étau sous plusieurs Occupations dont aucune n'offre de mansuétude particulière. Juin-juillet 1940, les Soviétiques occupent militairement puis annexent les pays baltes. Tous les étrangers quittent ces pays. Cependant Matoré décide de rester. Il est certain que le souhait des nouvelles autorités lituaniennes qui l'invitent à enseigner, n'est pas la seule cause de sa décision : Matoré vient en effet de rencontrer Aldona, qui sera sa compagne, et plus tard sa femme.
20 octobre 1940, le stalinisme s'abat sur la Lituanie ; accusé par le NKVD d'espionnage, il est incarcéré à Siaulaï, et condamné aux travaux forcés. Il restera deux mois au secret, puis sera transféré à la Sûreté de Kaunas. C'est à la prison centrale de Kaunas (son troisième lieu de captivité), bondée de prisonniers politiques qu'il connaîtra les moments les plus intenses : peur, faim, espoir, solidarité.... À la fin du mois de juin 1941, l'armée Rouge quitte le pays précipitamment, fuyant devant la Wehrmacht. La prison de Kaunas, abandonnée par ses geôliers, se soulève. Matoré, comme la plupart de ses compagnons de captivité, recouvre la liberté. C'est avec l'un d'eux qu'il parcourra à pied les 100 km le séparant de Vilnius. Il réintègre l'université de Vilnius et épouse Aldona durant l'été 1941. Mais le nazisme s'est abattu sur le pays. Matoré et les siens découvrent l'antisémitisme, les ghettos de Kaunas, les premières déportations. Ses talents de dessinateur lui permettent de maquiller des faux passeports pour le compte d'un réseau d'aide aux Juifs évadés.
La Gestapo veille. Elle l'inquiétera en mars 1942, mais faute de preuve le relâchera. Georges Matoré comprend qu'il ne peut vivre plus longtemps en Lituanie ; Le 20 mars 1943, avec Aldona, il quitte le pays. Ils traversent la Pologne et l'Allemagne pour rejoindre définitivement la France.