Patraque
« Imaginons. C'est la fin. 4, 5 ou 6 millions d'années plus tard. Et ça ne va pas très bien. Ca n'allait jamais très bien avant.
J'ai recopié tout ce que j'ai été, tout ce que j'ai appris.
J'ai été flamme et eau. J'ai été oiseau et tigre.
J'ai tué père et mère.
J'ai mangé dans la main de Gustave Flaubert.
J'ai été guerrier Comanche et j'ai bien connu Ludwig Wittgenstein. »
Patraque est un livre de littérature ET de philosophie. Non pas un livre hybride qui hésiterait entre deux genres, entre deux registres mais un livre rare qui tresse la pensée à la littérature, une pensée déliée, libre, circulante, à la littérature dans ce qu'elle peut avoir d'intuitif, d'irrationnel. Cela donne un mixte très étonnant, extrêmement original dans sa facture comme dans sa tonalité. Familier, proche, et exigeant à la fois. Un livre qui se lit comme un roman, comme on dit, et qui cependant fouille, retourne et questionne notre présence au monde.
« J'ai beau fouiller et vider mes poches. Je n'ai aucun papier sur moi justifiant du sens de ma vie. »
On croise dans ce livre Wittgenstein, Bouvard et Pécuchet, Arendt, et beaucoup d'autres avec lesquels le narrateur engage un dialogue sans contraintes (« Qui pourrait comptabiliser les voix qui nous parlent depuis que nous existons, depuis qu'existe la voix humaine ? [...] J'entends des voix. Je suis hanté par d'innombrables voix. On peut dire ça comme ça. » Ces conversations viennent rythmer ce récit qui est celui d'une détresse contemporaine et le relancent en même temps qu'ils lui donnent un écho universel.
« Depuis longtemps, nous constatons l'existence de la vie sur notre planète mais nous ne savons toujours pas répondre à la question : qu'est-ce que la vie ? »
« Mais pour finir, j'appartiens à cette communauté anonyme qui, à chaque pas dans la vie, se heurte à l'insurmontable limite qu'est l'existence pour elle-même. »