Orphée
C’est un souvenir d’enfance qui est à l’origine de ce livre. Pas n’importe quel souvenir. À six ans, Frédéric Boyer est mis face à face avec son premier homme mort, dans une chambre, sur un lit. C’est son grand-père. À compter de ce jour, les morts ont pris chair dans son existence quotidienne.
Le récit est donc celui d’une descente aux enfers, d’une obsession orphique.
On croit retrouver quelqu’un. On pense que l’autre nous attend quelque part.
À moins que nous ayons la cruauté de rêver en découdre une bonne fois pour toutes avec l’autre qui a disparu.
Le mythe d’Orphée n’appartient pas aux grandes histoires de l’épopée grecque. Ni Homère ni Hésiode n’ont cru bon le faire figurer dans leur somme poétique et historique du monde.
Quelques poètes romains, Virgile et Ovide notamment, ont tardivement repris cette histoire populaire. Ce récit n’est pas une version moderne d’Orphée et Eurydice. Il est écrit à partir des mots et des images des poètes anciens. Il convoque les figures d’Orphée et Eurydice comme des citations avec lesquelles lire notre propre drame. Une existence hantée. À l’heure où l’on voudrait tant effacer la mort. Et faire de l’amour une petite comédie renouvelable avec ses mêmes trahisons et ses mêmes abandons sans frais.
Le narrateur suit le fil de ses souvenirs : rencontres, nuits sans lendemain, prostituées, tentations, rêves et cauchemars. Et progressivement découvrir qu’il n’est ni Orphée ni le maître des enfers. Et accepter à la fin de tuer l’autre pour s’accepter soi-même comme mortel, rien que mortel.
Le récit est suivi de deux traductions nouvelles des passages des Métamorphoses d’Ovide et des Géorgiques de Virgile qui reprennent l’histoire d’Orphée et d’Eurydice. Ce ne sont pas deux appendices : mais deux poèmes contemporains qui appartiennent au livre comme sa matrice.
L’absence de virgule dans la ponctuation du livre s’est imposée à Frédéric Boyer dans l’écriture. Il n’y a que des points. La marque de la fin, où s’arrête le souffle du lecteur. Pas d’autre répit dans la phrase.