Le marquis et le régent : Une conspiration bretonne à l'aube des Lumières
26 mars 1720, Nantes, place du Bouffay. Les sieurs de Pontcallec, Talhouët, Montlouis et Couëdic, gentilshommes bretons, sont exécutés à coup de doloire - la hache des tonneliers - pour conspiration contre l'autorité du roi, le jeune Louis XV, et du Régent, son oncle Philippe d'Orléans.
Supplice cruel, barbare à nos yeux, surtout au temps de l'" aimable Régence " qui a succédé en 1715 à l'étouffant règne de Louis XIV. Ténébreuse affaire, qui a inspiré à Bertrand Tavernier son film Que la fête commence, où s'affrontent Philippe Noiret, en duc d'Orléans noceur et désabusé, et Jean-Pierre Marielle, en Pontcallec victime de la raison d'État.
Explorant les archives bretonnes et parisiennes, déchiffrant les minutes du procès, l'historien Joël Cornette a reconstitué un fascinant épisode de l'histoire du XVIIIe siècle et restitué son véritable visage au chef des conjurés, Chrisogone-Clément-René de Guer, marquis de Pontcallec.
Tout commence en 1717 avec un conflit entre le pouvoir royal et la noblesse bretonne, jalouse des libertés traditionnelles de la province. Les mécontents fondent une Association de la noblesse bretonne à laquelle se joint bientôt Pontcallec, seigneur irascible et désargenté. Sous son impulsion, une poignée de partisans s'engagent dans une improbable alliance avec le roi d'Espagne, cousin du roi, pour renverser le Régent. En 1719, la violence éclate : c'est la " guerre du Pontcallec ".
Le marquis et les siens chevauchent de nuit dans les forêts et les landes, se dissimulent sous des pseudonymes, s'affublent de masques blancs et de fausses barbes, tirent dans les bois et les chemins creux des coups d'arquebuse et de mitouflet, un singulier pistolet fiché au bout d'un bâton. Cavalcade carnavalesque qui culmine avec un prétendu débarquement de soldats espagnols en Bretagne et s'achève par la découverte, la traque et l'arrestation des coupables.
Vient alors le temps de la répression, impitoyable au vu d'une affaire si rocambolesque, puis de la réconciliation, qui permettra à l'État royal de renouer le dialogue avec les Bretons. Mais l'histoire ne s'arrête pas là. Pontcallec, après sa mort, entre dans la légende. Véritable Robin des Bois breton, il affronte dans les chansons et la littérature locale le parti des " méchants ", bourgeois des villes et tenants du " parti français ".
C'est de cette figure mythique, symbole de la liberté bretonne, que Joël Cornette s'empare, pour revenir aux sources du mythe.
Un CD de musique bretonne est offert dans l'ouvrage.