Les Remontrances de Malesherbes
1771. Alors qu'un conflit violent oppose Louis XV et les parlements, Chrétien-Guillaume de Lamoignon de Malesherbes, héritier d'une illustre famille de magistrats, lui-même premier président de la Cour des aides, et partisan de longue date de la liberté d'écrire et de publier, entre dans la bataille. Ses énergiques Remontrances au roi lui valent une lettre de cachet et un exil sur ses terres qui ne font qu'accroître l'enthousiasme du public éclairé. 1775. À l'orée du règne de Louis XVI, Malesherbes adresse de nouvelles Remontrances au jeune souverain. Ce nouveau réquisitoire, où l'auteur se pose en défenseur de la cause du peuple contre l'absolutisme, est interdit, mais son succès sous le manteau n'en est que plus grand, et Malesherbes est appelé (brièvement) à un poste ministériel. L'essai d'Élisabeth Badinter, suivi des textes des Remontrances, nous plonge au coeur des tensions de l'Ancien Régime finissant, marqué par le poids croissant de l'opinion publique. Les débats du temps en annoncent d'autres, plus contemporains. Car la préoccupation de Malesherbes, qu'il dénonce l'iniquité fiscale, les abus de l'administration ou l'état des prisons, est la vigueur de la justice, véritable mesure de la liberté d'un peuple. Et les apparentes contradictions de ce magistrat, serviteur de la monarchie, critique de ses abus et, pour finir, avocat du dernier roi de France, posent la question toujours actuelle du rapport de l'intellectuel et du politique. « Sans espoir d'une vie à venir (que sa vertu méritait), sans l'appui des consolations qu'on trouve dans la pensée divine, il suivit, simple, droit et ferme, l'idée du bien, du devoir. Jamais la magistrature n'eut de plus dignes paroles que les remontrances de Malesherbes, président de la cour des aides » (Michelet).