La fourrure de ma tante Rachel
Quand Raymond, raconteur, relate sa vie à un écouteur professionnel — Federman —, il dessine une existence foisonnante en quelques scènes : le seau hygiénique résume l’enfance désargentée, les femmes aimées témoignent d’une existence nourrie d’étreintes et de conflits, le jazz exalte l’Amérique et ses complexités, et la famille incarne l’histoire personnelle et collective, cette humanité dont le protagoniste se sait issu et exclu. La famille, sa judéïté, avec ses vivants — oncles et tantes honnis partis en 1940 sans Raymond et les siens — et ses morts, mère, père et sœur " changés en savonnettes et abat-jour " par l’" énormité impardonnable ". Et la tante Rachel, vivante mais exilée, ayant fui dès avant la guerre son enfance orpheline. Rachel la sublime, la fortunée, de retour elle aussi, libre et amoureuse.
Quand Federman écoute Raymond, le raconteur ne cesse d’explorer l’espace de liberté entre réel et imaginaire, ce lieu de la fiction où sont convoqués souvenirs et jeux littéraires, figures inventées et " vrais noms de vraies personnes " : Céline, Francis Ponge, Charlie Parker, Max Jacob, Doubrovsky, Diderot... points de repères, maîtres à penser dont l’influence n’est présente qu’autant que Federman s’en démarque pour composer son œuvre propre, récit rhapsodique en cadences et improvisations, " racontar " cousu de souvenirs, de " cochonneries pas racontables " et d’élucubrations. Un roman patchwork tissé de verve, d’humour et d’une constante réflexion sur les jeux de l’écriture.