L'église des pas perdus

Auteur : Rosamund Haden
Editeur : Sabine Wespieser

En 1990, au moment où apparaissent mystérieusement des ossements humains devant l’église d’en haut, Catherine King et Maria Dlamini sont âgées. Elles ont été élevées ensemble, près de soixante-dix ans auparavant, dans cette ferme de Hébron, au nord-est de Johannesburg, dont le père de Catherine, d’origine britannique, était le propriétaire, alors que la mère de Maria était la cuisinière noire. En cette période de fin d’apartheid, alors que les leaders noirs sont relâchés, Maria ne veut pas laisser Catherine partir seule dans la nuit. Elle la suit, et c’est à la fin de la nuit – et à la fin du roman, après maints retours en arrière – qu’elle dévoilera à Catherine, dans l’église de tôle qui a toujours été leur refuge, le secret de ces ossements soudain déterrés.
Le roman parcourt ainsi les vies, très différentes, des deux femmes : alors que Maria n’a jamais quitté la ferme, Catherine y a été brutalement arrachée dès 1931. Les petites filles avaient huit ans et vivaient une enfance insouciante dans une nature somptueuse et complice, scellant des vœux d’amitié éternelle, quand Kathie surprend son père avec sa maîtresse : sa mère humiliée quitte la ferme et emmène ses filles en Angleterre. La ferme périclite, Mr King s’en va et la laisse aux mains de gérants successifs, tandis que Maria grandit dans le souvenir idéalisé de son amie, dont l’aura fascine également Hendrik, l’un des jeunes voisins afrikaner. Lui aussi, en soupirant amoureux d’une photographie (celle que Maria a installée dans l’église), attend le retour de celle qui est l’âme du lieu.
Ce n’est que des années plus tard, après la mort de son père, que Catherine revient à Hébron : la ferme a désormais de nouveaux propriétaires, Tom et Isobel Fyncham, arrivés en 1952. Le couple bat de l’aile, Isobel supporte mal cette vie isolée à la campagne et l’ombre de Catherine semble rôder entre elle et son mari. Quand Catherine arrive à la ferme, en l’absence d’Isobel, un charme immédiat opère entre elle et Tom : leur histoire d’amour est pourtant menacée, dès les premiers jours, par les fantômes du passé.
Catherine va comprendre la cause de ce malaise en partant sur les traces de son père disparu : elle découvre qu’Isobel n’est autre que sa demi-sœur, née d’une deuxième union de son père, et qu’elle a manigancé pour hériter de Hébron. Catherine s’installe alors définitivement chez elle, à la ferme, protégée par Maria et par Hendrik, mais ne comprendra que très tard le dénouement du drame qui s’est joué entre Tom, Isobel et elle-même.
Roman du retour au pays natal, roman de la perte et de la trahison, de l’amitié et de la réconciliation, L’Église d’en haut est un livre haletant, riche de mystères et de sensualité, au suspense impeccablement orchestré. Il dit la complexité des relations entre les êtres dans un pays traversé par l’apartheid : l’histoire affleure sans cesse à travers les personnages. Catherine a beau être libérale, jamais, malgré l’amitié qui les lie, Maria ne sera réellement son égale. Tom, moins souple dans son attitude que Catherine, représente néanmoins une classe dominante « humaniste », alors qu’en contrepoint apparaît également, à travers la famille de Hendrik, la tendance dure des fermiers afrikaners.
Rosamund Haden ancre son intrigue, et ce n’est pas la moindre qualité de ce premier roman, dans un cadre somptueux : des grands espaces de la ferme à la profonde rivière où les deux amies aiment à se retrouver, de la crête où se dresse l’église à la grande maison de Hébron, elle parvient à communiquer son amour pour cette terre à la fois sauvage et sensuelle qu’elle semble connaître intimement.

24,35 €
Parution : Mai 2006
355 pages
ISBN : 978-2-8480-5042-3
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