Le pire, c'est la neige
Le pire, c'est la neige, le début d'un poème de Mandiargues, est une longue invocation : comment un homme, fût-il une grande figure du monde des lettres, peut-il jouir d'un tel ascendant sur une jeune femme qui par ailleurs s'épanouissait en toute liberté Jacqueline Demornex mène en effet, dans l'effervescence des combats politiques et féministes, une vie diurne d'une grande indépendance. Mais la vie rêvée occupe un large place dans l'existence de cet être fantasque : depuis qu'un ami libraire lui a dit "Nadja, c'est toi", elle s'identifie à la figure emblématique du surréalisme, la laissant guider ses pas... qui tout naturellement la ramènent vers son amant poète. À vrai dire, l'écriture est au centre de ce récit : celle de Mandiargues bien sûr, son univers baroque, luxuriant et insolite, mais aussi les vaines tentatives de l'auteur. Sa passion pour le poète l'empêche d'inventer ses propres fictions : il occupe toute Ia place et ne voit en elle qu'une muse et une amie fidèle. Loin d'être dupe, Jacqueline Demornex livre ici un récit ironique et subtil dont la conclusion sonne comme une libération : "Et toi, dois-je te remercier ? Oui, pour ta fidélité aucun homme ne m'a suivie comme tu l'as fait, pendant vingt-cinq ans. Mais tu ne m'as pas aidée à sortir du labyrinthe où mon amour pour toi m'avait jetée. [...] Tu m'avais rêvée, je t' ai rêvé, c'est ce qui se passe quand on aime. Pas de quoi dire merci. Nous sommes quittes.