Au doigt et à l'oeil : Autoportrait d'un photographe
Dans sa préface au « Photo poche » consacré à Françoise Huguier, Gérard Lefort évoque ainsi le travail de cette grande dame de la photographie qui, depuis bientôt quarante ans, arpente le monde, les podiums et les coulisses : « Au moment de refermer les livres de Françoise Huguier, juste après s'être baigné dans une centaine de ses photographies, que reste-t-il ? Un prolétaire russe qui boit à même le bec d'une bouilloire dans une fonderie de nickel de Norilsk. Une jeune fille bozo en soutien-gorge incongru à Mopti au Mali. Une évanescence de bleu outremer à la fin d'un défilé Thierry Mugler en janvier 1997. Un beau jeune homme fier et triste, manoeuvre dans une plantation cambodgienne. Tous sont comme les personnages d'une fiction internationaliste. Tous sont héros de l'ordinaire. » Celle dont le début de la vie a été marqué par une histoire qu'elle-même qualifie de romanesque - elle fut enlevée, à huit ans, par des Viêt-minh dans une plantation d'hévéas que dirigeait son père au Cambodge et resta otage six mois -, a décidé aujourd'hui de poser des mots, et uniquement des mots, sur son étonnant parcours : ses chapitres sont intitulés « La jungle maudite », « La fiancée du Christ » (pour les années de formation de la jeune aristocrate bretonne qu'elle fut), « Les années pin up », « La femme du coupeur de tête », « Japon déclencheur », « On ne dit pas bonjour dans ma nouvelle famille » (ou son arrivée à la rédaction de Libération), « C'est qui la Callas ? », « L'Afrique, de Rock & Folk à Michel Leiris »... Des titres qui, à eux seuls, en disent long sur l'humour et le sens de la formule de cette femme aussi libre que déterminée.