Pays à vendre
"J'enterrais mes quarante-quatre ans au Léon, bar bien connu, sorte de mosaïque d'un Sisteron baladeur et égaré, où se côtoient pêle-mêle routiers, zonards, prolos, vieux canassons et petits Beurs, avec par bonheur... de temps à autre, quelques silhouettes féminines occupées à siroter des vodkas orange. [...] J'étais privé dans la région parisienne dans les fameuses années 1960. À cette époque je pataugeais comme bien des privés dans la semoule habituelle. Fugueurs jamais retrouvés, surveillances fastidieuses, problèmes immobiliers, histoires d'adultère, extorsions de fonds, filatures, etc. - pas de quoi pavoiser. Si bien qu'en 1971, j'ai atterri avec une toute petite valise à la porte des Alpes. Sisteron, une ville laborieuse de commerçants, où seules la citadelle, cette grande dame noire, et les montagnes environnantes, de belles dames blanches, semblaient attester que les gens du coin pouvaient avoir de temps à autre un peu d'imagination et quelque chose de plus. « On cherche aussi, nous autres, le grand secret. » Pour ce premier de ses romans dans l'ordre de l'écriture (il en a achevé la rédaction en 1988), André Bucher s'est replongé dans ses années beatniks et libertaires. Nils Baker, privé au grand coeur sous ses dehors d'ours mal léché, a quitté Paris pour venir s'installer dans les Alpes-de-Haute-Provence, sur une terre qu'il cultive entre deux affaires à élucider. Une terre qui n'est pas à vendre, malgré l'arrivée des investisseurs attirés par les promesses touristiques de la région. Embrouilles immobilières couvertes par les politiques locaux, meurtres, disparitions, Baker mène l'enquête. Dans sa propre ferme, il organise la résistance : en camp retranché avec son carré de fidèles, filles et garçons partageant une joyeuse communauté, il se défend, comme le dernier des Mohicans, contre les intimidations des mafieux, qui eux ne plaisantent pas. L'aventure, plutôt cocasse, tourne bientôt à la tragédie. L'enquête laisse alors place à un roman dont les personnages, comme dans tous les livres d'André Bucher, trouvent dans la nature et sa magie païenne une ultime consolation.