Syd Barrett - Le rock et autres trucs
Héros du rock et ange du psychédélisme, fondateur du Pink Floyd dont il compose les premiers tubes et la quasi totalité du premier album, Syd Barrett sort de la scène début 1968, à l'âge de 22 ans, en pleine gloire, foudroyé par le succès et les drogues qui font exploser son esprit fragile. Renvoyé du groupe auquel il a imprimé sa singularité, il signe encore, péniblement, deux albums solos qui deviennent immédiatement des disques cultes. En 1971 tout est fini et il ne tarde pas à rentrer chez sa mère à Cambridge. La légende peut commencer. Jusqu'à sa mort en juillet 2006, Syd Barrett fera l'objet d'un véritable culte, icône vivante bien malgré lui, modèle et inspiration pour des dizaines de rockstars (David Bowie, Marc Bolan, Robert Smith...), d'autant plus fascinant que l'excentrique mène désormais une existence de petit-bourgeois dans une banlieue grise, ne reçoit personne, suscitant les rumeurs les plus fantaisistes, refusant d'évoquer sa courte mais brillantissime carrière et ayant tiré un trait sur ses années folles où il avait été l'éclatant symbole du Swinging London et de la révolution psychédélique. Une flamboyante mort artistique. Mais ce livre de digressions interroge aussi « d'autres trucs » : la question du fan, figure récente de la modernité ; celle de la fascination pour la jeunesse et l'éternelle adolescence comme horizon phantasmé d'un bonheur absolu qui nous échapperait ; celle, plus sociologique de ce nouveau territoire culturel, social, politique que le rock dégagea dans les années soixante ; celle enfin de notre besoin d'illusions, de leurres et d'autres trucs qui nourrit la machine à inventer des mythes, etc. Enfin, dans un style parfois échevelé, volontiers partial et iconoclaste, Jean-Michel Espitallier donne sa propre vision du rock, et, au-delà, de la création artistique, mêlant érudition rock'nrollesque et références littéraires et artistiques, souvenirs personnels et réflexion sur les morts artistiques et les grands silencieux (dont il tente de dresser l'inventaire), il fait se croiser dans un joyeux foutoir Pink Floyd, Marcel Proust, Leon Trotsky, John Lennon, Brian Eno, Arthur Rimbaud, etc. Parce que Syd Barrett, central certes, n'est que le fil rouge de quantités d'autres histoires que raconte Jean-Michel Espitallier dans ce livre drôle, impertinent, qui est aussi un livre de poète.