Folie, aller simple. Journée ordinaire d'une infirmière
« Pourquoi je fais ce métier tellement ingrat ? Trente ans que je suis là. à l'hôpital psychiatrique. Là où la mort rôde à toute heure. Là où la folie est un aller simple. Là où la douleur s'expose sans fard. Là où on rit sans raison ni jugement. Là où les cris sont un langage ordinaire. Là où l'angoisse étreint et poisse. »
Infirmière dans un service de psychiatrie depuis l'âge de vingt ans, Gisèle Pineau raconte, avec sobriété et intensité, ce métier « extraordinaire. puisqu'on se tient à l'extérieur, en bordure de la norme, du normal, de la normalité ». Elle revient sur son propre itinéraire : son arrivée en métropole, la faculté de Lettres et les petits boulots, les après-midis avec la vieille Lila aux souvenirs contrastés. Et surtout, elle fait partager son quotidien à l'hôpital, cet apprentissage permanent, et difficile, auprès des malades - ces « fous » que la société ne veut pas voir, isole, et aide de moins en moins. Gisèle Pineau décrit l'ordinaire, les rituels, les délires des uns et des autres, les trop nombreux suicides qu'on ne sait pas empêcher, les dépressions profondes, la paranoïa sans limite, le manque de places dans les services, les crispations autour du 4 heures, les insultes parfois suivies de coups. Mais aussi - cela arrive -, les moments de répits lumineux, quand le dialogue et le rire parviennent à s'immiscer. Et toujours en arrière-plan, l'écriture, son formidable « délire à elle », l'infirmière-écrivain, vie parallèle inépuisable qui lui permet de trouver son équilibre.