La Meilleure Façon de grandir
A cinquante-deux ans, Raphaël est le seul homme de sa famille à avoir vécu aussi longtemps. Il vit et travaille dans le Néguev, où il s'occupe de la maintenance des canalisations d'eau. Conscient que sa mort peut être imminente, il se réfugie dans le désert, avec sa touffeur, sa lumière, ses odeurs et sa solitude.
Raphaël adresse à sa sœur le récit de cette épopée familiale chaleureuse et drôle, teintée de nostalgie, de tendresse et de dérision. Il se remémore les quatre hommes de la famille, disparus dans des circonstances tragi-comiques -un grand-père, un père et deux oncles dont les portraits sont accrochés au mur du couloir, et surtout les cinq femmes -sa mère, sa grand-mère, ses deux tantes et sa jeune sœur- à l'ombre desquelles il a vécu. Indissociables les unes des autres, devenues pour Raphaël La Grande Femme, elles l'ont « élevé, caressé, nourri ». N'est-ce pas la meilleure façon de grandir?
Quant aux mère, tantes, sœur et grand-mère, elles se serraient les unes contre les autres tel un rempart, le front orageux, les yeux plissés de surprise et d'humiliation.
Nous, Raphaël, nous?
Les voici rassemblées dans leur double appartement avec leurs enfants élevés de la meilleure manière possible. De grandes femmes avec leurs épaules droites, leur poitrine haletante, leurs poings crispés-relâchés.
Nous qui t'avons nourri, baigné, bercé et qui t'avons raconté des histoires ? Nous, Raphaël ? Nous ?
Je ne réponds pas. Quand elles se dressent devant moi comme un mur, avec leur front énergique, leurs sourcils froncés et leur pamoushka fermement contractée, je sais que je n'ai pas la moindre chance de comprendre.
N'est-ce pas la meilleure façon de grandir pour un homme ?