Lignes, numéro 14 : Penser Sade
Sade. Son seul nom ressemble aussi peu que possible à ce que peut encore entendre cette époque qui a peur, qui se reconnaît à cette peur qu'elle a ; qui se reconnaît elle-même comme cette peur qu'elle a ; à la fin, qui aime secrètement cette peur. De là que nous l'ayons choisi, que nous ayons choisi ce nom si singulier, non pas exactement maudit (avec lequel on fait maintenant comme s'il n'avait lui-même rien maudit), seulement fou, ou fêlé. Non pas donc pour arborer un blason, brandir un fétiche, ou s'émerveiller qu'il y eût jadis des dieux (même mauvais, faits pour répandre l'épouvante). Non pas même pour provoquer. Simplement faire à plusieurs cette (double) supposition : qu'il y a une pensée de Sade et que " penser " Sade s'impose. Autrement dit, nous avons voulu prendre au sérieux, y compris du point de vue de la pensée, ce qui était fait pour déjouer tout sérieux, a fortiori le sérieux de la pensée.