L'eau des fleurs
On peut seulement se laisser emporter, se laisser recouvrir, se laisser prendre à ses lacets, à sa touffeur, aux pièges qui sont sa vérité. [...] L'épreuve est rugueuse mais, dès l'exclusion qu'elle assigne, commencent à fonctionner sa provocation, son magnétisme. Une lecture, une seconde lecture, et les immersions répétées dans le texte irriguent en nous des strates insoupçonnées. Même si nous nous désintéressions de ce dont il parle, personnages, lieux, actions, circonstances, difficile après les premiers pas dans une contrée hostile, d'échapper à son emprise, de ne pas céder aux rouages dévorants de sa logique démentielle. Jean-Michel Reynard est cet écrivain suicidaire qui se déplace avec maîtrise et hardiesse dans un texte-paysage hérissé de pièges et de couteaux, parsemé de fondrières et d'eaux croupies, ruisselant de laves et de venin. Il poursuit sous tous les angles, et dans les moindres encoignures, une vérité de l'autre et de soi qui le hante, et la vérité se tient cachée dans sa poursuite même. De nid en nœud, de trace en destin. Une seule phrase en mille dont les méandres et les accidents exposent le procès, l'incohérence, la chute infinie. Il ne renonce jamais, il tombe, il casse, il détruit, il recloue et passe. Son livre est un lieu de rencontres impromptues, une maison de passe sacralisée. Car il est traversé, son livre et sa chair perforés, par une flèche très aiguë dont la trajectoire réinvente en la déniant l'épiphanie de la mort. Jacques Dupin (extrait de la préface).