Jean Jaurès - De l'éducation : Anthologie
Jean Jaurès (1859-1914), philosophe et dirigeant socialiste, a beaucoup écrit sur l'éducation. Nul hasard à cela : ce sujet auquel il accorda une attention toute particulière au cours (le son existence est au centre de la conception du socialisme qu'il a défendue. La République sociale suppose une double conquête prolétarienne, celle des moyens de la production matérielle et celle des moyens de la pensée libre. L'appropriation de la culture par le prolétariat n'est pas une annexe du programme socialiste, elle en compose un chapitre essentiel. D'où une défense passionnée du grand effort scolaire républicain contre le cléricalisme et une critique tout aussi implacable des limites dans lesquelles les classes dominantes veulent enfermer l'éducation du peuple. Cette pensée, qui ne sépare jamais la lutte pour le socialisme et la démocratisation de la culture, fait de l'histoire un lent mais continu mouvement d'éducation de l'humanité par elle-même. Les instituteurs et les professeurs sont alors engagés à se hisser au niveau de leur plus haute mission d'« éducateurs de l'espérance humaine ».
Autant dire que les textes de Jean Jaurès publiés dans ce recueil vont permettre aux lecteurs d'aujourd'hui de découvrir l'une des plus grandes pensées progressistes (le l'éducation, longtemps méconnue, longtemps oubliée même par ceux qui se réclament du socialisme. Le choix des articles et des discours est guidé par le souci (le présenter de façon ordonnée et cohérente les lignes majeures de cette pensée et surtout d'introduire à un certain style intellectuel et politique. On trouvera d'abord les grands discours de Jaurès sur l'école, difficilement accessibles de nos jours. On trouvera ensuite certains des textes adressés aux instituteurs dans la Revue de l'enseignement primaire entre 1905 et 1914, ceux qui concernent le plus directement les problèmes d'éducation. Ces articles, jamais réédités depuis, n'ont rien de dogmatique. Loin de dicter aux instituteurs progressistes ce qu'ils doivent penser et faire, Jaurès les invite à établir des relations entre l'actualité politique et sociale - en particulier tous les événements liés à la marche du prolétariat vers son émancipation - et la situation dans laquelle les éducateurs du peuple se trouvent et qu'ils doivent transformer. Jamais les questions scolaires ne sont séparables en droit et en fait des questions sociales. Les analyses de Jaurès ne cessent de tisser les liens entre les questions d'école et les grandes luttes de son temps (unité socialiste, naissance du syndicalisme, pacifisme, assurances sociales, retraites, impôts sur le revenu, laïcité, financement de l'école, contenus d'enseignement, etc.).
Jaurès, dans ces textes, expose ce que doit être une éducation du peuple : refus du formalisme abstrait et du dogme, recherche du lien vivant entre la connaissance, les conditions concrètes de vie et les luttes du peuple, sans aucune concession à l'ignorance et à là facilité.