Les Poules
Le sommet de mes parents se fondait dans les plafonds, mon frère disparaissant avant de se cacher, les murs de la salle à manger et les cousins se superposaient mal quand ils venaient le dimanche, et le poisson rouge sur le frigo n'était qu'une idée. Un mirage. Une boule d'eau vide. Autour de la maison, chats et chiens des voisins ne se distinguaient que par leur son : les uns miaulaient, les autres faisaient du bruit en buvant. Tant qu'on n'a pas ses lunettes, c'est comme ça. Tout est loin de soi. A l'écart. Seule Augustine, ma grand-mère principale, une demi-personne qui se déplaçait au radar, était à ma portée car sa tête n'était pas au bon endroit de son corps : détachée à l'avant, vers moi, au lieu d'être sur le dessus. Mais pour le reste, tout était loin. Tant qu'on n'a pas ses lunettes, c'est loin et surtout c'est reposant, parce qu'on ne comprend pas bien. Si on veut, c'est un peu comme quand on des lunettes et qu'on les enlève : le monde se fait lueur et vapeur. La vie redevient une douce chape sur ses épaules et du velours entre les jambes.