Outre-Terre
Eylau c'est la rencontre paroxystique de l'Histoire et de la géographie. Une bataille napoléonienne qui a lieu le 8 février 1807 contre les Russes, en Prusse orientale, là où se trouvait autrefois la célèbre Königsberg fondée par les chevaliers teutoniques. Aujourd'hui, Eylau est située dans l'exclave de Kaliningrad, territoire russe séparé de la Russie par la Pologne et la Lituanie.
Jean-Paul Kauffmann, qui s'était rendu une première fois à Kaliningrad en 1991, voulait y revenir mais, cette fois, en famille. Un voyage de cohésion familiale en quelque sorte.
Eylau est une bataille à part dans les faits d'armes napoléoniens. Une victoire à la Pyrrhus, à l'arrachée, dont Napoléon n'aimait pas évoquer le souvenir quand il fut exilé à Ste-Hélène. Une bataille particulièrement meurtrière qui se déroula dans le brouillard, l'obscurité, sous la neige.
Eylau est restée célèbre dans l'histoire pour la fameuse cavalerie de Murat mais aussi dans la littérature grâce au Colonel Chabert de Balzac. Le colonel Chabert que l'on donnait mort est un fantôme d'Eylau. Quand il revient en France, il doit prouver son identité pour recouvrer son territoire, sa femme, ses droits. C'est l'un des romans les plus captivants de Balzac. Une sorte de roman noir sur le mariage.
« Tu te prends pour le colonel Chabert », diront les fils de Jean-Paul Kauffmann en se moquant de lui. Car lui aussi a connu « le royaume des ombres » en passant 3 ans de détention au Liban. Revient-on jamais de ce monde entre la vie et la mort ? Jean-Paul Kauffmann a dû lui aussi retrouver sa place parmi les siens et Balzac a toujours été avec Simenon l'un de ses auteurs de prédilection.
Retour à Eylau se déroule sur 4 journées qui sont aussi une quête. Il faut à tout prix atteindre le clocher d'Eylau car c'est de l'église que l'empereur dirigea la bataille. Et la tâche est semée d'embûches.
Jean-Paul Kauffmann a une prédilection pour les territoires secrets ou dérobés, ceux qui échappent à l'évidence du regard et aux lieux communs. Car Eylau est aussi un tableau, celui peint par le baron Gros. Une toile commandée par Napoléon qui souligne la dureté de la bataille, les milliers de morts et de blessés. À son tour, Jean-Paul Kauffmann peint une nouvelle toile d'Eylau, plus expressionniste.
À Eylau, l'Empereur a senti sa chance légendaire lui échapper et mesuré le poids du destin. Il a ouvert les yeux sur le sens de la tragédie. Il faut donc se rendre à Eylau pour ouvrir les yeux et comprendre jusqu'au vertige la charge des forces de la mort contre celles de la vie. Car comme tout grand livre, Retour à Eylau est l'histoire d'un vertige.