Journal d'Amérique
Dès le soir du 29 février 1933, deux jours après l'incendie du Reichstag et le début du règne dictatorial de Hitler, Bertolt Brecht et sa famille fuirent l'Allemagne. Plusieurs années durant, ils restèrent en Scandinavie. Avec l'avancée des armées allemandes, le danger les poursuivait comme leur ombre.
En mai 1941, la famille obtenait des visas pour les Etats-Unis et c'est lors du voyage de Vladivostok à Los Angeles, sur un bateau suédois, que Brecht apprit l'attaque de l'Union soviétique par l'Allemagne.
C'est dans ce contexte que Brecht arrive en Californie et commence son Journal d'Amérique. Celui-ci fait partie des journaux tenus de 1938 à 1955 qui ont paru en 1976 dans une première édition française sous le titre Journal de travail. Son regard sur l'Amérique montre bien les difficultés des émigrés européens dans le royaume de la fabrication des rêves.
Brecht n'y a jamais pris racine mais tout ce qu'il rapporte, observe et scrute nous donne non seulement une image fidèle des émigrés de l'époque mais aussi celle, toujours actuelle, de ce pays des possibilités illimitées. Evidemment il travaille pour Hollywood mais sans grand succès, évidemment il cherche des productions pour ses pièces, mais là encore le succès n'est pas au rendez-vous. Le Journal est donc aussi une sorte d'ersatz. La politique joue dans ses observations un rôle prépondérant. Son regard - impitoyable et analytique - d'une Allemagne (et au-delà d'une Europe) mise en cendres par des forces intérieures et extérieures, porte toujours aujourd'hui.