Les Grands Collectionneurs, tome 2 : Le XXe siècle
La première décennie du XXème siècle a vu s'achever un monde, celui des grands collectionneurs capables d'amasser des trésors, pour le seul plaisir de la convoitise et de la possession, dans d'immenses hôtels aux dimensions palatiales. Si l'on excepte les deux fabuleux collectionneurs moscovites Stchoukine et Morosov, et dans de moindres proportions, Thyssen, le Dr Barnes, J. Paul Getty, Peter Ludwig ou Panza di Biumo, on ne collectionnera plus jamais comme le firent, avec une insatiable boulimie, Catherine II, le cardinal Fesch, les Hartford-Wallace ou les Jacquemart-André. Mais le collectionnisme demeurera, au moins jusqu'à la Première Guerre mondiale, l'apanage d'une classe sociale à gros revenus, un moyen pour certains de se hisser au niveau envié de connaisseur, parfois en se démarquant de ses origines, ambitionnant d'intervenir dans le marché. Concurrencé par le collectionneur-marchand dont l'exemple le plus brillant fut, dans les années 30, le fameux Paul Guillaume. Le collectionneur montre aujourd'hui les oeuvres que jadis il tenait cachées, mais reste discret. Industriel, homme d'affaires, producteur de films, couturier, avocat, promoteur, il minimise le rôle de l'argent. Certes les menaces existent : celles du contrôle fiscal et celles des voleurs. Le collectionneur est un homme connu, repéré, engagé ; son adhésion à la contemporanéité ne s'est néanmoins pas faite sans surprises, et on ne passe pas sans risques de Picasso, longtemps considéré dans sa famille et son milieu comme un fumiste, à Lavier et à Boltanski dont nul n'oserait désormais suspecter le sérieux.