A la charge ! : La caricature en France de 1789 à 2000
Caricaturer, c'est charger : donner du poids - carico en italien - ou du relief, alourdir ou appuyer, insister ou exagérer. C'est aussi charger une arme à feu ; façon de considérer la caricature comme une arme capable de toucher, blesser, égratigner mais sans jamais tuer, pour attaquer sans relâche la victime offerte aux assauts répétés du dessinateur qui conduit la charge. L'acception du terme s'est forgée au croisement de ces deux usages aujourd'hui confondus, tandis que la critique et la raillerie ont annexé la caricature. Mais, banalisé, voire galvaudé, le mot est devenu imprécis, à force d'essayer de recouvrir l'hybridité d'un objet qui, depuis deux siècles, n'a cessé de se développer et de se déplacer, en modifiant ses formes, sa syntaxe et ses ambitions. Maligne et subversive, la caricature est réduite à une entreprise de sape, de régression et de destitution, physique, morale ou symbolique. Sa grammaire irrespectueuse et transgressive incite à l'oublier, à l'euphémiser - on parle de " satire graphique ", de " dessin de presse " ou de " dessin d'actualité " -, d'autant que l'actualité qui satisfait son insatiable appétit la condamne à l'éphémère. De Daumier à Cabu, de Gill à Effel ou de Sennep à Plantu, les vocables de la caricature et les pratiques des caricaturistes attestent de permanences et d'héritages, de mutations et de ruptures qui font la vivacité d'un mode d'expression souvent donné pour mort ou moribond, mais renaissant et résistant, indomptable et irrépressible. C'est ce que prétend montrer cet ouvrage qui, n'étant ni une histoire de France par la caricature ni une histoire chronologique de la caricature, propose des approches transversales au long cours, où la caricature est observée de la Révolution française à l'an 2000.