Pensées, répliques et anecdotes
"J'aime prendre des pilules avant de déjeuner. Même quand je n'ai rien. Je trouve que ça fait bien de sortir sa plaquette, comme ça les gens vous ménagent." Claude Chabrol fait partie de ces rares personnes qui déclenchent immédiatement la sympathie chez leur interlocuteur. A-t-il un secret pour cela ? Il nous livre quelques pistes dans cet ouvrage qui recueille près de cinquante ans de répliques, d'aphorismes et de traits d'esprit. Il se dit "béat", "totalement dépourvu d'ego", et avoue ne se souvenir que d'une seule angoisse dans toute son existence, qu'il date de manière très précise, en 1976. On connaît également le côté bon vivant du personnage, qui avoue ici que "son maximum pour un grand repas est de 150 kilomètres d'autoroute et 100 kilomètres de route ordinaire." Mais les choses ne sont peut-être pas aussi simples qu'elles le paraissent. "J'ai trois masques derrière lesquels je me cache, nous confie-t-il. D'abord le masque de bon vivant, puis celui de vieux rigoriste, enfin celui d'intellectuel. Je les mets les uns sur les autres. Ca tient chaud mais ça me donne un gros visage alors que j'ai une toute petite tête." Claude Chabrol a en effet également une face sombre, faite de fascination pour la perversité, le vice et la bêtise sous toutes leurs formes. Observateur sans pareil de nos moeurs, son oeil est aiguisé et impitoyable. La société de l'argent, la bourgeoisie, les oeuvres humanitaires, le cinéma, la télévision, il n'épargne rien ni personne, le moindre de nos travers est immédiatement épinglé. Ce côté obscur et terrifiant à bien des égards se manifeste également dans cet ouvrage, où Chabrol laisse libre cours à ses perversions, menaçant par exemple ici "d'attaquer en justice quiconque oserait dire qu'il est paresseux" ou fomentant là quelques macabres projets : "Je vais tuer la ménagère de 43 ans, elle a un goût de cochon."