La Tragédie de la rue des fleurs
Au théâtre trindade, on représentait " barbe-bleue ". Le deuxième acte venait de commencer et le choeur des courtisans se retirait à reculons, en demi-cercle, dos courbés lorsque, dans une loge au-dessus du balcon, à gauche, le grincement rêche d'une serrure rouillée, le bruit d'une chaise traînée, firent lever ici et là quelques regards distraits. debout une grande femme défaisait lentement les attaches d'argent d'un long manteau de soie noire doublé de fourrures sombres. [. ] elle fit aussitôt sensation sur le public assoupi. les jumelles de théâtre " s'en donnèrent à coeur joie ", comme disait le poète Roma, auteur estimé des " idylles et rêveries ". et même, un gros homme qui se trouvait en dessous de sa loge, se retournant dons un brusque mouvement de curiosité, glissa sur une marche du balcon, et tomba : il y eut des rires. en quelques lignes Eça de Queiros tisse la toile d'araignée si fragile et si résistante dans laquelle il va inéluctablement engluer ses héros. Une tragédie inavouable. celui que Valery Larbaud considérait comme " un des plus grands romanciers européens du XIXe siècle ", s'attache autant à la psychologie des milieux qu'à la psychologie individuelle et est un maître de la péripétie et du suspens.