Chant éloigné
Si Rainer Maria Rilke a toujours été tenté de penser à la musique en des termes architecturaux, comme on le découvrira en effet à la lecture des poèmes rassemblés dans le présent volume et tous inédits jusqu’ici en français, il faudrait se demander si, fidèle à la doctrine baudelairienne – et, plus largement, romantique – de la correspondance des arts, il n’a pas souvent abordé la sculpture et l’architecture en termes musicaux. C’est en tout cas cette correspondance entre le son et l’espace qui mène, fil rouge à travers toute son œuvre, jusqu’à l’arbre emblématique dressé dès le premier vers des Sonnets à Orphée, et qui emplit l’oreille, tandis que chante le bâtisseur de temples sonores.
Les poèmes rassemblés dans ce livre, sont autant de jalons jusqu’ici méconnus qui permettent au lecteur de parcourir le chemin suivi par Rilke, faisant la part d’une certaine défiance qui ne le quitta peut-être jamais tout à fait envers la séduction sensuelle de la musique, mais parvenant pour finir à une conception exceptionnellement élevée et étonnamment moderne de cet art.