Relever les déluges
Un enfant intouchable auquel, en 1201, on fait l'infamant cadeau de la liberté (car personne n'en veut, à cette heure, et le mot lui-même ne fait rêver que les fous). Frédéric de Hohenstaufen a huit ans, il court les rues de Palerme, ville arabo-normande : On y aimait tant les différences qu'on en inventait quand, faute de vent, il en venait moins. Honoré Mirabel, valet de ferme à Saint-Jean-du- Désert, affabule la découverte d'un trésor. Après avoir échappé au tremblement de terre de 1708, à Manosque, puis à la grande peste de 1720, il veut éprouver s'il est possible d'échapper aussi à sa condition - et de jouir, comme il imagine que d'autres le font, du passage du temps. « Moi, j'ai toujours été pour l'égalité », dit Miguel Samper, un maçon d'Arganda, et il part. C'est l'été de 1936. Il va s'enrôler à Madrid et rejoint le front du côté de Tolède. En permission à Valence, il ouvre les yeux sur la crapulerie des appareils et déserte. Mais il garde au coeur l'idée qu'il faut se battre pour les copains, pour le matin du monde. À Marseille, le 31 décembre 2002, un petit groupe d'anarchistes en habits de pirates se lance à l'abor- dage d'un bateau-restaurant. La nuit venue, ils gagneront les collines pour donner un feu d'arti- fice aux détenus de la prison des Baumettes. Denis, qui les accompagne sans être vraiment des leurs, qui aime les fraternités de rébellion mais veut demeurer sans aveu, prend par la main Mathilde et l'arrache à sa meute, à sa communauté. Enfants de rois, de paysans ou de bourgeois, les personnages de ces quatre récits ont ouvert sur le monde des yeux de premier homme : l'ordre des choses, ils entendent l'éprouver, en restant sourds aux « vérités éternelles ». Ce sont alors des assauts et des ruses, des solidarités intempestives et de soudains dégagements. Liberté, égalité, fraternité : Les vieilles lunes sont décrochées avec tout le décor, et les voici qui se rallument, fragiles, toutes neuves, à hauteur de regard, sur le visage de n'importe qui.