Le maître de l'oubli
Entre son père (juif tunisien d'origine, sauvé de la déportation par une infirmité et devenu ouvrier militant communiste) et lui (maigre diplômé de philosophie, établi dans un chantier naval au tournant de mai 1968, gauchiste - tendance libertaire - dans les années suivantes), Michel Arbatz note qu'il y eut un peu de suspicion et beaucoup de silence. Dans ce récit plein de verve, c'est comme si le fils voulait faire échec à la maladie de l'oubli qui frappe son père, en cherchant ce qui - dans ses propres aventures révolutionnaires - suit la trace du Vieil Hébreu boiteux dont il a pu croire, un temps, que tout le séparait. Ainsi remonte-t-il le cours de leurs trajets respectifs, en traquant au passage, d'un humour ravageur, les images d'Epinal de leurs histoires politiques si proches et apparemment inconciliables. L'auteur - qui juge sans complaisance mais non sans tendresse celle dont il fut partie prenante - trouvera pourtant la source de ses convictions dans les origines "définitivement" populaires de son père. C'est en lui rendant grâce de ce modeste héritage qu'il en dresse le portrait en gloire.