Le naufrage du Titanic : Et autres écrits sur la mer
Avec un sérieux des plus ridicules, l'expert assura la commission de sa profonde conviction que, si le Titanic avait heurté l'obstacle de plein fouet, il serait revenu indemne à bon port. Le ton de sa pressante déclaration suggérait par ailleurs que l'officier responsable (aujourd'hui mort et, par bonheur, exclu de cette enquête de comédie) fut à ce point mal avisé qu'il essaya de passer au large de l'iceberg. Ainsi ma prophétie sarcastique, selon laquelle une telle suggestion finirait un jour par être faite, reçut-elle là une confirmation inattendue. Et vous verrez que, par respect pour la prétendue demande de «progrès», la théorie du nouvel art de la navigation sera bientôt établie : «Quoi que vous aperceviez devant vous, foncez droit dessus...» Nouvel art de la navigation ! Nous publions, ici rassemblés, neuf textes de Joseph Conrad sur la mer et les bateaux, neuf textes inédits en français, où se lit l'indignation d'un marin (Quelques réflexions sur la perte du Titanic, Quelques aspects admirables de l'enquête, 1912) qui assiste au bouleversement d'un monde, celui des hommes de mer sacrifiés à la nouvelle économie et au tourisme. Mais ces textes sont également empreints - talent oblige - d'une tendresse grave et nostalgique devant l'inéluctable (De la géographie et de quelques explorateurs, Noël en mer ou Livre de Voyage).