Karen et moi
Cela fait longtemps que Karen est entrée dans ma vie. J’étais déjà familière de son aventure africaine, de Denys et de Bror, les hommes de sa vie, de son attachement aux animaux, et puis, il y a peu, j’ai ressenti un besoin impérieux de revenir vers elle. Moins pour elle que pour moi, à dire vrai. J’ai commandé sa correspondance sur un site de vente en ligne, j’étais pressée de la retrouver, et la couverture du livre me plaisait : elle rappelait celle du Marin de Gibraltar, dans une de ses versions anciennes.
Karen et moi est d’abord l’histoire d’une rencontre, une rencontre que seule la littérature rend possible, entre un écrivain magnifique, Karen Blixen, morte en 1962, et une petite fille de onze ans qui lit La Ferme africaine sous une tente. Le temps passant, la petite fille solitaire est devenue une jeune femme, la narratrice du livre, laquelle entreprend d’écrire la biographie de celle qui l’accompagne depuis son premier voyage au Kenya. Plus elle s’enfonce dans son récit, plus elle découvre que son personnage, la Karen de ses rêves - celle qui étouffe dans les salons danois de son enfance, embarque pour l’Afrique avec Bror, son mari, se bat contre les éléments pour rendre florissante sa plantation de café, brûle d’amour pour Denys puis revient, dix-sept ans plus tard, à la maison familiale de Rungstedlund, seule et brisée - la renvoie à son existence et à ses aspirations enfouies. Alors elle se tourne vers son amie et lui demande de l’aider à résoudre ses tourments intérieurs : un sentiment d’étrangeté au monde, des souvenirs douloureux, des désirs contenus sous les apparences d’une vie rangée, et un besoin lancinant de poésie. Car c’est par l’écriture que Karen se sauve.